Évolution de la zone maritime de la bande de Gaza depuis 94
Ah! Les réseaux sociaux... Ces endroits virtuels plus vrais que nature dans lesquels l'on peut tomber sur des articles qu'on aurait jamais été chercher soi-même, pour éviter ces désagréables remontées acides dont l'âge et l'époque se disputent la paternité.
Hier, j'ai eu l'occasion de lire ça : http://www.slate.fr/story/90303/israel-hamas-clarte-morale-amnesie
Je vous laisse en prendre connaissance. Quand vous aurez fini, je vous invite à découvrir pourquoi j'estime que le rédacteur de l'article en question n'a soit rien compris à la géopolitique, soit a fait preuve d'un époustouflant manque de rigueur et de sincérité intellectuelle en le rédigeant.
Z'êtes prêts? C'est parti :
1) Le Hamas a certes refusé le cessez-le-feu proposé par l'Égypte, mais il faut aussi reconnaître que la proposition du général Sissi n'était, ni plus, ni moins, qu'un marché de dupes pour le Hamas et les Palestiniens, pour trois raisons au moins :
* La première, c'est que le gouvernement égyptien est l'ennemi objectif du Hamas. C'est en effet à la suite du coup d'État contre les frères musulmans, sous prétexte que ces derniers étaient en train de vrendre une partie du Sinaï à la milice palestinienne, que Sissi a pris le pouvoir. L'Égypte est aussi le partenaire privilégié d'Israël en ce qui concerne le blocus de la bande de Gaza, entre autres arrangements entre amis.
* La deuxième, c'est que le cessez-le-feu appelait les deux parties à la table des négociations. Pas besoin d'être devin pour imaginer qu'une fois attablé, le gouvernement israélien aurait exigé le désarmement du Hamas comme préalable à toute trève. Or, désarmer le Hamas, c'est enlever le dernier frein à la colonisation israélienne de la bande de Gaza.
* Enfin, l'attitude israélienne sur le dossier rendrait pessimiste n'importe quel diplomate sur le succès d'une négociation équilibrée entre les deux parties. Le trouble autours de la vérité sur la mort des trois israéliens dont la mémoire a été sali au nom d'un prétexte guerrier, le nombre incommensurable de résolutions de l'ONU violées par Israël depuis 1948, le blocus arbitraire avec l'affaire des deux flottilles humanitaires, l'assassinat de Y.Rabin par un extrémiste israélien avant la seule tentative de paix qui a failli aboutir depuis 48, le prétexte de l'union du Fatah avec le Hamas pour adresser une fin de non-recevoir à un éventuel plan de paix… Honnêtement, qui voudrais négocier avec un partenaire aussi capricieux, véritable enfant-roi de la communaute internationale?
L'argument derrière lequel le gouvernement de Netanyahou se réfugie pour adresser ses fins de non-recevoir, est que le Hamas refuse de reconnaître l'État d'Israël. Même que ce serait noté dans ses statuts. Mais la politique coloniale illégale dont se rend coupable le même gouvernement depuis des décennies invalide automatiquement cet argument et justifie même, sur le fond, toute forme de radicalisation palestinienne à l'égard de l'existence de l'État hébreu.
Parce que coloniser la Palestine en douce, c'est implicitement ne pas la reconnaître.
Bref, tout ça revient à considérer que le Hamas serait une milice de résistance véritablement authentique. Mais les choses sont encore plus complexes.
2) Israël est un partenaire objectif des puissances du Golfe arabique, lesquelles financent des milices dites djihadistes, qui ne sont, ni plus ni moins que des bandes de mercenaires armés dont la tâche consiste à :
* Déstabiliser les états voisins de l'Arabie Saoudite, du Qatar, d'Israël et des bases américaines (et, dans une moindre mesure, britanniques). Globalement : tout ce qui n'est pas un royaume à consonnance sunnite. Pourquoi sunnite? Parce que ces derniers sont majoritaires au Moyen-Orient et que la doctrine wahhabite est une merveille pour qui souhaite contrôler une population à travers l'abrutissement des masses, la terreur et l'esclavage. Or, le capital adore ce qui est docile et ne coûte pas cher, surtout quand il est loin de chez lui.
* Chasser/exterminer/intimider les autres communautés (druzes, alaouites, maronites, coptes, kurdes, chiites, arméniens...). On a pu voir que ces milices s'emploient tout aussi bien à couper des têtes de façon ostentatoire qu'à détruire les vestiges de civilisations qui ne sont, généralement, ni d'origine juive, ni d'origine sunnite. Cela dit, la ficelle est désormais tellement grosse qu'il va devenir de plus en plus compliqué pour ces extrêmistes soit disant mûs par la passion d'Allah de justifier leur prise de position :
- Le Baghdadi (dont le Times est sans doute le meilleur agent publicitaire) qui sort que "Dieu ne lui a pas demandé d'attaquer Israël";
- Je ne sais plus quel prédicateur du "printemps syrien" a récemment donné écho en reprochant aux Palestiniens de s'être attaqué à l'État hébreu au lieu de tomber sur Bachar ;
- Les Royaumes du Golfe qui regardent (une fois de plus) leurs correligionnaires se faire tirer comme des lapins sans broncher.
Bref, le boniment ne tient plus que par la grâce du matraquage, qu'il soit intellectuel, physique ou financier.
* Faire tourner le commerce des armes, celui dont personne ne parle jamais mais qui finance toute la politique de l'ombre depuis Mathusalem. En profiter pour mettre la main sur les ressources et faire bosser le monde pas cher en réduisant le niveau de développement à néant. C'est ce qui se fait aussi en Afrique, par les mêmes.
On apelle ça "Gouverner par le chaos." Dans cette perspective, on peut imaginer que le Hamas est une de ces marionnettes, destiné à donner les moyens à Israël de faire la promotion de son bouclier anti-missile, histoire de le refourguer à son partenaire Arabe, tout en déblayant le terrain pour ss futures colonies.
Mais les choses ne sont pas figées et la montée en puissance de l'Iran (ainsi que son ouverture via Rohani) font que la marionnette des uns hier, celle qui devait mettre les bâtons dans les roues d'Arafat, est sans doute devenue celle des autres, celle qui doit progressivement mettre les chiites en position de se lancer dans une nouvelle guerre fratricide contre les sunnites de grande ampleur, dont Israël let les américains seraient les seuls bénéficiaires, à terme. Est-ce que ça aboutira? Après les leçons des deux guerres irako-iraniennes, rien n'est moins sûr.
Enfin, le Hamas a peut-être évolué vers une certaine autonomie/indépendance, comme le Hezbollah, mais honnêtement, je manque d'éléments pour appuyer cette hypothèse avec certitude. Dans ce cas de figure, on assistrait sans doute à un renversement de la situation dans la région, allant dans le sens du déclin de l'Occident et donc d'Israël.
Bref, dans cette histoire, tous les gros protagonistes (Iran/Usa/Isrël/France/Grande-Bretagne/Arabie Soaudite/Qatar/Russie...) sont donc partenaires/concurrents sur le même marché (arme/pétrole/gaz...). Ce qui revient à dire que, comme les autres, Israël à tout intérêt à poursuivre le conflit jusqu'à un certain point, car une fois Gaza en ruine, il sera beaucoup plus facile de pousser ses habitants vers la sortie. À raison d'une offensive irraisonnée tous les deux ans, il n'est pas absurde de penser que tout doute à ce sujet puisse être raisonnablement écarté.
3) "Gaza nest plus occupé depuis 2005". "Tsahal est une armée morale", "Israël a le droit de se défendre", "Le Hamas utilise des boucliers humains". Toutes ces belles paroles sont autant d'arguments creux dépourvus de la moindre parcelle d'objectivité et - faut-il le préciser- de moralité.
* "Gaza nest plus occupé depuis 2005" : Gaza est cerné depuis près de 7 ans. Le blocus enterre toutes les initiatives de développement, y compris celles qui permettraient aux Palestiniens de profiter du gaz contenu dans leur sous-sol. La plupart de l'approvisionnement se fait dans la clandestinité, la police israélienne s'octroie des pouvoirs administratifs coercitifs de façon arbitraire sur la population palestinienne. Bref, pour des gens qui prétendent avoir beaucoup souffert du nazisme, je trouve que les fils de Sion n'ont pas grand chose à envier aux fascistes.
* "Tsahal est une armée morale" : Une armée morale ne m'aurait pas donné l'occasion de développer à charge jusque-là. En fait, une armée morale va de pair avec un gouvernement moral et le refus israélien de tenter de s'intégrer pacifiquement dans la région, avec l'assassinat de Rabin en point d'orgue, prouve bien que ces gens-là ont une idée plutôt flexible de la morale. Et encore, je n'aborde pas la question des femmes enceintes et des gamins tirés comme des pigeons...
* "Israël a le droit de se défendre" : Inversion victimaire tellement grossière au regard de l'écrasant avantage financier et militaire d'Israël par rapport à la Palestine (sans parler de la corruption internationale qui joue en sa faveur), que je vais éviter de perdre plus de temps à répondre à cette ineptie.
* "Le Hamas utilise des boucliers humains" : Mon préféré. Israël a utilisé la mémoire des déportés et la corde sensible des descendants de ces derniers pour légitimer 70 ans d'apartheid, de massacre, de colonisation et de corruption. Les quelques hommes politiques qui ont essayé de faire autre chose se sont soit faits dégommer, soit se sont faits gentiment calmer (la dernière en date, Tzipi Livni).
En conclusion :
Loin d'êtres enfants de cœur, les troupes du Hamas (du moins celle qui sont palestiniennes, parce que le mercenariat est l'autre partie immergée de l'iceberg du trafic d'arme que les médias font mine de ne pas voir) ont, sur le principe, toutes les justifications historiques, morales et humaines pour s'en prendre à Israël. Le font-ils pour la bonne cause ou pour les affaires? Sont-ils des pions ont des acteurs? Toutes ces questions passent malheureusement au second plan face à l'attitude israélienne (et de la communauté internationale qui soutien son gouvernement). Israël a en effet l'entière responsabilité de ce conflit, comme des précédents, parce que cet État est fondé sur une spoliation qui trouve de nébuleuses justifications historiques, dont certaines vieilles de plusieurs centaines d'années, totalement irrecevables et a savamment entretenu la spirale d'une violence trouvant sa source dans une forme assez virulente de racisme depuis les prémisses de sa création.
Dans cette optique, il est évident que la destruction de Gaza ne profitera qu'à Israël, malgré ce que les gesticulations intellectuelles de Slate essayeront de faire croire à leurs lecteurs.
Enfin, il serait de bon ton que les européens dont les gouvernements soutiennent Israël et qui sont même passivement d'accord avec cette position (comprendre "neutres"), cessent de se gargariser avec la deuxième guerre mondiale, la déportation ou l'holocauste, parce que dans ce contexte, la posture ne se distingue désormais, ni plus, ni moins que par son extraordinaire hypocrisie.
Fyldar Jones
Sexssayiste au thorium
Photos:
1) Ism-France.org
2) Hostingpics.com
3) Lpcdn.ca
4) Lelibrepenseu.org
5) Doctissimo